Léonard de Vinci: sa recette secrète révélée grâce à la Joconde

Le diagramme de diffraction enregistré sur la ligne à haute résolution angulaire ID22 de l’European Synchrotron Research Facility (Grenoble) et analysé à l’IRCP a révélé la présence de nanoparticules d’un composé aussi rare qu’inattendu, la plumbonacrite Pb5(CO3)3(OH)2O. L’analyse simultanée du pigment blanc de plomb présent, la spectroscopie infrarouge et l’étude des écrits du maître italien ont montré que Léonard avait dissous dans l’huile une quantité importante d’oxyde de plomb PbO, un composé qu’il mentionne fréquemment, afin de rendre la peinture plus visqueuse, probablement pour pallier la rugosité du panneau de bois sur laquelle il a peint ensuite la Joconde. Néanmoins, cet additif basique a modifié la composition du blanc de plomb en attaquant sa composante acide PbCO3 et provoqué la néoformation de la plumbonacrite. Ce procédé original, qui semble n’avoir été redécouvert qu’un siècle plus tard par Rembrandt, confirme s’il en était besoin que Léonard savait mettre ses talents de scientifique au service de son art.

Ce travail mené par des chercheurs du C2RMF et l’IRCP a éte publieien vers l’article ici

Des secrets du baume d’une momie égyptienne révélés par spectroscopie RPE.

En analysant des prélèvements de ce baume par résonance paramagnétique électronique (RPE) sur différentes momies d’âges allant de la Basse époque à la période Ptolémaïque (7ème siècle AvJC à 30 AvJC), des chercheurs de l’équipe PCMTH ont détecté la présence de composés qui ne peuvent provenir que de la dégradation du bitume au cours du processus naturel de momification. Travail d’analyse délicat car ces composés donnent des signatures spectroscopiques proches de celles observées pour les bitumes non dégradés.

L’équipe a ensuite observé que ces produits de dégradation étaient absents du baume prélevé sur une momie du « Château-musée » de Boulogne sur Mer, et que celui-ci présentait des caractéristiques très semblables à celles du bitume que l’on trouve toujours actuellement en Judée. Résultat qui indique par ailleurs que cette momie a probablement subi une restauration avant son acquisition par le musée au début du 19ème siècle. Ces résultats sont publiés dans la revue Analytical Chemistry.

Référence

Charles E. Dutoit, Laurent Binet, Hitomi Jujii, Agnès Lattuati-Derieux, & Didier Gourier. Non-destructive analysis of mummification balms in Ancient Egypt, based on EPR of vanadyl and organic radical markers of bitumen. Anal. Chem. – Novembre 2020 https://doi.org/10.1021/acs.analchem.0c03116

Contact : Didier Gourier, Institut de recherche de chimie de Paris,

A gauche, le cercueil d’Irethorerou (période Ptolemaïque), Musée d’Art et d’Histoire, Narbonne, France (avec la permission d’Anne Chauvet [Copyright 2020]; Spectres RPE détectés en phase et en quadrature de phase de la matière noire recouvrant le fond du cercueil, montrant les porphyrines de vanadyles (VO-P), les radicaux carbonés (C0) et les complexes oxygénés de vanadyles (VO-nP) ; En bas, momie humaine (XXIe – XXVe dynastie ?) recouverte de bitume pur, Chateau-musée, Boulogne-sur-Mer, France (avec la permission de Frédérique Vincent [Copyright 2020].

Le cuivre à l’origine du noircissement des tableaux de la Renaissance

Les pigments verts à base d’acétate de cuivre – connu sous le nom de vert-de-gris – ont été très largement employés par les peintres de la Renaissance. Cependant, ils ont été progressivement abandonnés à partir du XVIIIème siècle en raison de leur tendance au brunissement. Ce changement de couleur n’avait jusqu’à présent trouvé aucune explication satisfaisante. En analysant par résonance paramagnétique électronique (RPE) et absorption optique le vieillissement de couches picturales reconstituées en laboratoire, des chercheurs et des chercheuses de l’Institut de recherche de chimie de Paris (IRCP, CNRS/Chimie ParisTech), du Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF) ont montré que des modifications chimiques des complexes de cuivre induites par la lumière et combinée à l’atmosphère ambiante sont à l’origine du brunissement observé. Ces résultats sont publiés dans la revue Inorg Chem.

Référence

Marion Alter, Laurent Binet, Nadia Touati, Nadege Lubin-Germain, Anne-Solenn Le Hô, François Mirambet, & Didier Gourier

Photochemical Origin of the Darkening of Copper Acetate and Resinate Pigments in Historical Paintings

Inorg. Chem. – Septembre 2019

https://doi.org/10.1021/acs.inorgchem.9b02007

Contact

Didier Gourier, Institut de recherche de chimie de Paris

A gauche, Noli me tangere, d’Agnolo Bronzino (ca 1560), Musée du Louvre A) (© C2RMF) ;  Micro-échantillons prélevés sous le cadre, et donc protégé de la lumière B), et près du cadre montrant un net brunissement C) (© C2RMF/Marion Alter). A droite, spectres d’absorption optique d’une couche picturale reconstituée, avant et après illumination, et spectres RPE des pigments acétate et résinate de cuivre.

 

De la matière organique extraterrestre trouvée dans des sédiments marins vieux de 3,3 milliards d’années.

Une importante fraction des molécules organiques qui ont permis l’émergence de la vie sur Terre proviendrait de sources extraterrestres, comme les météorites carbonées, les micrométéorites et les poussières interplanétaires. Malheureusement, les mouvements géologiques du premier milliard d’années de la Terre ont fondu et recyclé la quasi-totalité des roches d’il y a 4,5 à 3,5 milliards d’années, effaçant ainsi les traces d’un tel apport organique extraterrestre à cette époque reculée. Si l’on en trouve actuellement dans des météorites récupérées en surface, cette signature organique venue d’ailleurs n’avait tout simplement jamais été retrouvée dans des sédiments anciens.

Des chercheurs de l’Institut de recherche de chimie de Paris (IRCP, CNRS/Chimie ParisTech), du Centre de biophysique moléculaire d’Orléans (CBM, CNRS), du laboratoire GéoHydrostèmes continentaux (GéHCO, Université de Tours) et du Laboratoire de spectrochimie infrarouge et Raman (LASIR, CNRS/Université de Lille) ont enfin découvert une première trace de cet apport organique extraterrestre. Elle a été retrouvée dans une fine couche ressemblant à du charbon, datée de 3,33 milliards d’années et épaisse de seulement deux millimètres, située dans la formation sudafricaine des Cherts de Josefsdal. Les chercheurs ont constaté que la matière carbonée de ce dépôt n’avait pas la même signature RPE que celle contenue dans d’autres sédiments proches. En s’appuyant sur la cartographie chimique élémentaire à l’accélérateur de particules du Louvre (AGLAE, C2RMF) les investigations ont également montré la présence dans cette couche de nanoparticules de spinelles, dont la composition chimique correspond à des matériaux chauffés à haute température dans un milieu très pauvre en oxygène : l’entrée de poussières météoritiques dans l’atmosphère d’il y a trois milliards d’années. Outre le caractère exceptionnel de cette découverte, ces travaux fournissent de précieux indices pour distinguer la matière organique produite par des bactéries, de celle en provenance de l’espace. Un savoir qui pourrait s’appliquer aussi bien sur Terre que pour de futures missions vers  Mars.

La partie gauche de la figure montre les fines couches de matière organique au sein des couches sédimentaires. Leur signal Raman ne permet pas de distinguer celles d’origine terrestre de celles extraterrestres. Les techniques de Résonance Paramagnétique Electronique (RPE) les ont cependant nettement différenciées. © Didier Gourier

Référence

D. Gourier et al.
Extraterrestrial organic matter preserved in 3.33 Ga sediments from Barberton, South Africa.
Geochimica et Cosmochimica Acta – Mai 2019
DOI: 10.1016/j.gca.2019.05.009